De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne
Extraits du texte écrit par Benjamin Constant en Allemagne, en 1813, un an avant l’abdication de Napoléon
Toute ressemblance avec des personnes ou des situations ayant existé ne saurait être que fortuite
Première partie : De l’esprit de conquête
CHAPITRE II
[…]
Nous sommes arrivés à l'époque du commerce, époque qui doit nécessairement remplacer celle de la guerre, comme celle de la guerre a du nécessairement la précéder. La guerre et le commerce ne sont que deux moyens différents d'arriver au même but, celui de posséder ce que l'on désire. Le commerce n'est autre chose qu'un hommage rendu à la force du possesseur par l'aspirant à la possession. C'est une tentative pour obtenir de gré à gré ce qu'on n'espère plus conquérir par la violence. Un homme qui serait toujours le plus fort n'aurait jamais l'idée du commerce. C'est l'expérience qui, en lui prouvant que la guerre, c'est-à-dire l'emploi de sa force contre la force d'autrui, est exposée à diverses résistances et à divers échecs, le porte à recourir au commerce, c'est-à-dire, à un moyen plus doux et plus sûr d'engager l'intérêt des autres à consentir à ce qui convient à son intérêt.