Aux source de l'écologie, conservatisme, racisme et nationalisme
Les thèmes écologistes ne datent pas d'hier et notamment pas de la deuxième moitié du XXe siècle comme on le croit trop souvent. C'est au XIXe siècle que s'est construite cette idéologie de résistance à la modernité, aux lumières et au bouleversement introduit par l'ordre spontané capitalien. Mouvement conservateur par essence, l'écologie s'est d'emblée positionnée comme un mouvement profondément réactionnaire, adoptant tous les thèmes régressifs liés à la paysannerie "traditionnelle", à la résistance au changement, aux "racines" terriennes des peuples, et à l'anticosmopolitisme ce qui, à l'époque, était pratiquement toujours synonyme de racisme.
Peter Staudenmaier rappelle que les structures de la pensée écologique se sont développés dès le début du XIXe siècle. Ainsi Ernst Moritz Arndt, raciste et nationaliste militant écrivait dès 1815 « en des termes étonnamment similaires à ceux du biocentrisme contemporain » : « Quand on voit la nature comme un lien et une interrelation nécessaires, alors toutes les choses sont d'égale importance - arbuste, ver, plante, humain, pierre, rien en premier ou en dernier, mais une seule unité. »
Riehl, élève d'Arndt, est un autre exemple d'un activisme environnemental ouvertement nationaliste et antisémite. Auteur d'un essai intitulé Field and Forest, Arndt appelait à se battre pour « les droits des étendues sauvages ».
Plus près de nous Haeckel, inventeur du mot écologie et fondateur de la ligue moniste, soutenait avec enthousiasme l'eugénisme racial. Il a contribué à façonner le courant de pensée qui allait servir de base au national-socialisme, en plus de ses activité directes dans la société de Thulé, une organisation secrète qui joua un rôle important dans l'avènement du nazisme.
La mise en œuvre de l'écologie sous le IIIe Reich, méconnue ou niée
Si ces prémisses d'extrême droite de l'écologie sont peu connues du grand public, l'activisme écologiste du IIIe Reich l'est encore moins. C'est le grand mérite de l'article de Peter Staudenmaier de montrer que l'administration nazie a bien mis en œuvre un vrai programme écologiste dont les contours possèdent beaucoup de points communs avec l'écologie contemporaine.
Cet activisme écologiste nazi est complètement nié par Joann Chapoutot, universitaire et chercheur français spécialiste de l'idéologie nazie. Il faudrait consacrer un chapitre entier à l'argumentaire de Chapoutot développé dans Les nazis et la « nature » Protection ou prédation ? Ce curieux texte, très politique, manque en effet cruellement de références historiques précises et Yoann Chapoutot y abandonne son habituelle rigueur pour un déroulé d'affirmations qui, sous couvert d'analyses sémantiques frisant le ridicule, sont indignes d'un chercheur de son envergure. Ainsi Chapoutot ne craint pas d'écrire :
« L’idée d’un impératif de préservation universel, ou celle d’une solidarité et d’une indépendance des phénomènes naturels et de leur perturbation a l’échelle du monde, est radicalement absente. » [de l'idéologie nazie]
Radicalement absente ? Peter Staudenmaier donne des exemples précis, textes à l'appui, qui permettent de prouver le contraire.
Une écologie réinvestie par la droite
L'écologie de droite retrouve aujourd'hui des couleurs sous des formes variées : écologie raciste et décroissante de groupes d'extrême droite allergiques au mélange des populations et des cultures d'une part, écologie "intégrale" portée par un catholicisme traditionaliste et préconisée par le pape François d’autre part. Point commun de cet écologisme de droite, son antilibéralisme virulent et affiché.
Ainsi Eric Zemmour dans son discours à la convention de la droite du 28 septembre 2019 a t-il réussi à glisser :
« Nous devons assumer notre conception de l'écologie : celle qui défend d'abord la beauté de nos paysages, de nos sites, de notre art de vivre, de notre culture, de notre civilisation. »
Ou Alain Soral qui interviewé en 2010 à propos de la percée écologiste aux européennes de 2009 déclarait :
« L'écologie fait partie de la pensée conservatrice, fait partie de la pensée réactionnaire, c'est un truc qui est passé à gauche que très récemment. C'est au cœur de la réflexion réactionnaire et conservatrice. [...] c'est un sujet important, c'est sans doute le sujet le plus important aujourd'hui qui est la manière dont le capital par sa fuite en avant destructrice commence à détruire la planète »
Réinvestie par la droite l'écologie est donc en passe de retrouver ses "racines", concept qui lui est si cher...
Une écologie de gauche est elle vraiment crédible ?
Reste un autre débat : à la lumière de son passé et de ses thèmes profonds, l'écologie peut-elle vraiment s'afficher comme un mouvement de gauche ? Un mouvement dont l'essence même est la "conservation" peut-il se revendiquer de la gauche et pourquoi les origines d'extrême droite de l'écologie ne sont-elles pas assumées par ceux qui ont endossés la plupart de ses thèmes ?
En d'autre termes, l'écologie n'est-elle qu'un nouveau moyen pour les réactionnaires socialistes, de maintenir les libéraux hors de la gauche où ils devraient se trouver ?
1 De sylvangui -
Merci à Mr Aurélien Barrau de m'avoir grâce à Facebook aiguillé vers ce lien . Vos références sont abjects Peter Straundenmaier est débunké pour son bouquin par Aurélie Choné contactez moi et je vous donnerai les pdfs. Aussi ce Strauden a monté un truc en épingle concernant la biodynamie : Voici : Oui, et drôlement celui qui accuse la biodynamie d'être nazi (c'est comme accuser la laine d'être nazi puisque les nazi portaient des uniformes en laine, même procédé logique...) c'est à dire Peter Staudenmaier, fonde son propre institut d'"écologie sociale", à croire qu'ainsi on veuille balayer toute concurrence: http://social-ecology.org/wp/about/... Je rappel que ce Strauden a fait travailler un groupe de ses universitaires la ou il enseigne à l'université Marquette qui est Jésuites , C vrai pas trop à gauche point trop n'en faut... Donc repassez avec vos idées noires .... La technique du mal serait-elle en route avec l'inversion de l'histoire à nouveau On ostracise !?! Aurelien je vous fait du pieds sur Facebook depuis Lurette , acceptez mon amitié . Désolé pour l'orthographe les amis l'école, j'y étais pas. Trop occupé dans les champs , les arbres la nature ...
2 De Jonathan -
Le fait que l'écologie ait été instrumentalisée par l'extrême-droite n'empêche pas du tout que les autres courants politiques s'emparent de ce thème. Après tout, si on suivait ce raisonnement, plus personne ne devrait se réclamer du socialisme puisque l'extrême-droite l'a fait aussi. Laissons le monopole des concepts à ceux qui les dépouillent de leur substance. Ce n'est pas une option en ce qui me concerne...
Certes, l'essence de l'écologie est la conservation, et certes, il y a des mouvements dans l'écologie qui sont radicaux, qui haïssent la technique par principe, qui sont réactionnaires. Mais fort heureusement, ils ne sont pas majoritaires et encore moins monopolistiques bien qu'ils fassent plus de bruit. Au-delà de cet aspect, il ne faut tout de même pas oublier que les êtres humains sont consubstantiels à l'environnement. Sans la nature, l'être humain ne pourrait même pas respirer. Donc si on saccage la nature et tout ce qui la constitue (peu importe au nom de quel idéal), on réduit l'espérance de vie de l'espèce humaine. De fait, il me paraît assez aberrant d'opposer les deux concepts. Il faut donc bien un tant soit peu conserver ce qui permet à l'espèce humaine de vivre, si on ne veut pas sa fin, là l'équation est assez simple à comprendre. Du moins, la question se posera tant que l'humanité n'aura pas trouvé les technologies pour migrer vers une autre planète habitable, ou tant que l'humanité ne sera pas sortie de la primitivité, et donc "augmentée" pour se passer des besoins primaires. Autant dire qu'on n'y est pas encore.
Et je m'interroge sur votre définition du progrès. Parce que dire que le socialisme est réactionnaire n'est pas juste historiquement. Déjà parce que le socialisme n'abandonne pas l'idée de progrès humain au nom de la conservation de la nature, contrairement à ces mouvements radicaux. Ensuite, parce que si le socialisme était productiviste aux XIXe et XXe siècle (et c'est encore le cas pour une partie de la gauche, je le déplore), à cette époque la réflexion sur l'impact de l'activité humaine sur le climat n'en était tout au plus qu'à ses balbutiements. Il est donc assez logique et sain d'évoluer lorsque les enjeux mondiaux changent. L'écologie progressiste s'attache plutôt à proposer des alternatives au productivisme, pour que l'être humain se réalise pleinement dans un monde où il n'est plus réduit à une fonction de producteur ou de consommateur, et où, s'il retrouve une certaine symbiose avec la nature, ce n'est pas du tout incompatible avec le fait de se développer technologiquement. En réalité, c'est le rapport aux objets, aux animaux et à ses semblables qui doit changer ici, et qui ne doit justement plus être réduit à une vision purement matérialiste.
Aussi, je doute sincèrement que le productivisme soit un progrès lorsqu'on voit aujourd'hui la régression à la fois de la condition humaine et de la condition animale en ce nom, le règne toujours plus grand du court-terme et du chiffre, et la course à la régression sociale qu'opèrent les dirigeants libéraux pour préserver ce modèle. Parce que finalement, si certains droits fondamentaux ont été obtenus il y a deux siècles par les libéraux, les progrès obtenus sur le droit du travail et la protection des minorités l'ont été (et le sont) par les socialistes. Or, aujourd'hui on assiste à une remise en cause perpétuelle de ces progrès au nom de l'idéal libéral du point de vue économique, qui est même parfois associé à un retour en arrière sur les droits fondamentaux ; il suffit de constater la politique que mènent les USA ou le Brésil, ou certains régimes d'extrême-droite en Europe. Cela montre en substance que le libéralisme du XXIe siècle n'est plus celui du XIXe siècle, à partir de là peut-on encore décemment parler de "gauche" quand on parle de libéralisme ?
Néanmoins, je me trompe peut-être mais j'ai cru comprendre que votre mouvement "Gauche libérale" était favorable au revenu de base inconditionnel. Si c'est le cas, je m'en réjouis, pour autant il ne faut pas oublier que cette idée a aussi pour objectif de donner à l'être humain d'autres perspectives de vie, bien plus constructives et bien plus ouvertes que celles auxquelles le modèle productiviste le cantonnent quotidiennement. J'ignore quelle est la réflexion de votre mouvement sur le reste.
3 De alain cohen-dumouchel -
Merci pour cette réponse constructive et argumentée.
Je ne crois pas que l'écologie a seulement été "instrumentalisée par l'extrême-droite ". Le but de la publication en français de l'article de Peter Staudenmaier est justement de montrer que l'écologie est au cœur du système Nazi et que ses racines historiques profondes appartiennent à l'extrême droite, ce qui doit nous rendre très vigilant sur son évolution présente. Il ne s'agit donc absolument pas d'instrumentalisation. Il s'agit de la source même de l'écologie.
Ceci dit, la conservation n'est pas un mal en soi. Un conservateur de musée n'est pas un être diabolique. La conservation des espèces est certainement nécessaire. Donc le conservatisme se justifie. Inutile de le faire passer pour du progressisme pour que sa raison d'être soit pleine et entière. Il faut des conservateurs dans une société, et d'ailleurs nous le sommes tous plus ou moins à titre privé.
Mais lorsque vous écrivez "Donc si on saccage la nature et tout ce qui la constitue (peu importe au nom de quel idéal), on réduit l'espérance de vie de l'espèce humaine. ", je dis attention ! car c'est précisément au nom de ce type d'argument que l'appareil Nazi a été mis en place. Les Allemands étaient persuadés que leur race allait disparaître. Ils étaient intimement convaincus qu'ils adoptaient des mesures "courageuses" pour la survie de leur espèce, donc pour les "générations futures". C'est cela qui est effrayant dans la situation actuelle.
Dire que le socialisme est réactionnaire est tout à fait juste historiquement. Le socialisme est une (des) réaction(s) à l'ordre spontané capitalien. Yves Guyot et les libéraux du XIXe ont bien analysé le phénomène. J'ai essayé d'en donner un résumé sous l'angle de la propriété dans mes deux articles "la propriété expliquée aux socialistes". En effet, la propriété imaginée par les socialistes est bien une régression vers la propriété "équitable" telle qu'elle a existé depuis l'antiquité.
Lorsque vous écrivez : "L'écologie progressiste s'attache plutôt à proposer des alternatives au productivisme, pour que l'être humain se réalise pleinement dans un monde où il n'est plus réduit à une fonction de producteur ou de consommateur, et où, s'il retrouve une certaine symbiose avec la nature, ce n'est pas du tout incompatible avec le fait de se développer technologiquement. ";
très honnêtement ce n'est pas du tout ce que j'observe dans les mouvements écologistes "modérés". J'y vois toujours un anticapitalisme primaire, des interdictions absurdes (OGM, glyphosate) des promotions absurdes (bio), la promotion massive et très inquiétante des fausses sciences. Bref un nouvel arsenal antilibéral qui vise à se substituer au défunt socialisme. Et pourtant, vous avez raison, il y a des vrais problèmes et probablement des solutions à trouver.
Mais de même que le socialisme n'a jamais réussi à améliorer le sort des plus démunis, je dis bien jamais - Si des milliards de personnes sont sorties de la pauvreté dans le monde au cours des vingt-cinq dernières années, c'est bien grâce à l'économie de marché, pas au socialisme, ni au communisme. Le socialisme n'a jamais fait que maintenir les peuples dans la misère, comme dans les pays arabes par exemple. Comme j'aime à le dire (boutade) : le progrès social doit au socialisme ce que le monte-charge doit à la télékinèse. - il est très probable que l'écologie politique n'arrivera jamais à régler les problèmes d'environnement. Au désastre social et humanitaire provoqué par les socialismes, succédera un désastre environnemental provoqué par les écologistes. Le bio, une catastrophe pour l'environnement, en est une des prémisses observables.
Enfin je ne vous suis pas du tout sur la "régression de la condition humaine". Jamais l'humanité ne s'est aussi bien portée, l'extrême pauvreté est en régression rapide et constante, l'illettrisme est à un plus bas historique, la proportion de classes moyennes augmente partout dans le monde, les victimes de catastrophes naturelles et de guerres sont en chute libre.
Quand à "la politique que mènent les USA ou le Brésil, ou certains régimes d'extrême-droite en Europe. " force est de constater qu'elle est justement violemment antilibérale, qu'elle se moque des droits de individus, des droits de l'homme, qu'elle veut rétablir la préférence nationale et le protectionnisme.
Donc oui, il faut être soucieux de préserver la flore et la faune naturelle, il faut vivre harmonieusement avec notre environnement et ne pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis, il faut essayer de ne pas faire souffrir le monde animal, mais jamais le dirigisme écologiste n'arrivera au résultat escompté, comme jamais le dirigisme socialiste n'est arrivé à un mieux social.
La mouvance gauche libérale est en effet favorable au revenu universel libéral. J'ai essayé d'en dresser les contours dans trois articles sur ce blog. Il se distingue assez nettement de son homonyme socialiste en ce sens très résumé qu'il n'est pas un "droit à". Mais toute société évoluée se doit de protéger ceux qui sont inadaptés à la "grande société" Poppérienne, ou plus simplement ceux qui sont victimes d'accidents de la vie.
4 De sylvain leser -
ah dite donc votre truc il tourne encore ?
bah on va voir si les commentaires sont encore ouvert...
⚠️ Debunk de Peter Staudenmaier :
https://www.academia.edu/36186304/C...renduPeterStaudenmaierPolitica_Hermetica
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Bonjour hier j’ai vu cet article passer sur mon fil Facebook avec un commentaire de monsieur Aurélien BARRAU en qui j’ai toute confiance pour ses commentaires sur tout un tas de sujet , il est pour moi une référence sans faille et j’ai un immense respect pour ce monsieur à la chevelure de Shiva et à la force de Rahan mais surtout ses nombreuses explications quand aux Sciences et à l’actualité, ses engagements nombreux , quand à ce que la planète subit actuellement. Alors je me permet avant tout de citer le commentaire qu’il a fait sur cet article. Puis j’en viendrai au mien; j’ai lu vite fait ce papier et avais autre chose à faire donc je l’ai commenté à la va vite . Merci donc d’en être là à présent . Je vais exprimer aussi ce que je pense et ressent de ceci et du sujet (Veuillez pardonner mon orthographe et mes tournures de phrase, je les corrigerais si nécéssaire).
Aurelien BARRAU
Hier, à 11:08 ·
Certes, certes, ce n’est que Contrepoints ! Mais quand-même … Ce niveau de démence n’est pas insignifiant. Oser les liens entre écologie et nazisme … Ils ne renonceront à rien et tous les moyens seront bons. C’est dingue : on leur explique que la vie est en train de s’effondrer sur Terre – ce qui est scientifiquement acté – et ils répondent « L’écologie n’est-elle qu’un moyen pour les réactionnaires socialistes de maintenir les libéraux hors de la gauche » ? Leur logiciel éthique, esthétique, logique et sémantique est tellement buggé – ou bloqué sur un passé fantasmé -, tellement atrophié, qu’ils ne parviennent même pas à comprendre l’enjeu, en fait. Ils rabattent l’immense sur l’infime. Ils ratent la vie, ils ratent le monde. Et ce n’est pas vrai qu’avec l’écologie … Le racisme, c’est cela aussi : ne pas comprendre qu’il y a plus d’une manière de jouer.
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Xavier François: Il me semble que la position du mouvement l’anthroposophique en terme d’écologie politique est moderniste sans être traditionnaliste (il n’est pas pour la communauté contre l’individu). Mais il n’est pas modernisme au sens de l’écomodernisme. Il se distingue à la fois de (1) l’écomodernisme (les écolos pro-nucléaire), (2) de ce qui s’appelle le modernisme réactionnaire : c’est-à-dire le romantisme idéologique + l’anti-république + la haute technologie (c’est la position du national socialisme en gros), et (3) du néo-traditionnalisme (genre retour à la terre, dans la lignée Rabhi).