Le pouvoir libéral, protecteur de la propriété, et privé de la promulguer
Le pouvoir assure la protection de la propriété de façon neutre, en s'assurant seulement que les règles de son acquisition répondent à des principes simples : chaque individu est propriétaire de son corps, de ses talents et des fruits de son travail. Toute propriété acquise par l'échange volontaire ou le don est considérée comme régulièrement constituée.
Les terres, les maisons, les moyens de production, deviennent des propriétés privées, c'est à dire des propriétés garanties par l'administration et dont "tous les autres" savent avec certitude qui les détient.
C'est parce que la propriété est garantie, protégée et reconnue que chaque individu peut obtenir des prêts, former une société, accumuler du capital, obtenir la confiance de ses fournisseurs et de ses clients. C'est le modèle de la société dite "capitaliste" (on devrait dire capitalienne) qui est en rupture totale avec les précédentes organisations.
Le principe révolutionnaire énoncé en 1789 garantit à tous, aux plus faibles comme aux plus forts, la reconnaissance et la défense de leur propriété : "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression."
L'incompréhension socialiste de la propriété privée
Les socialistes n'ont jamais accepté ni même bien souvent compris ce renversement des valeurs dans lequel les hommes de l’État post révolutionnaire sont chargés de protéger la propriété et non plus de la promulguer.
Dans le régime libéral le capital humain et tout ce qui en découle sont la source de l'éthique. La propriété n'est plus soumise à une éthique définie par le pouvoir, elle devient une des constituantes majeures de l'éthique, sans toutefois être la seule. Dès l'origine John Locke met des limites à l'appropriation et exclut que l'on puisse "corrompre et rendre inutile" ce qui existe. Il existe donc dans la philosophie libérale d'autres sources morales que la propriété, et le bien commun doit être pris en compte. Que la propriété individuelle soit au fondement de la morale et du bien commun est très difficilement compréhensible par les socialistes, largement influencés par les morales religieuses qui ont toujours considéré de façon hostile l'accumulation individuelle des richesses, y compris et surtout si elles résultent de l'échange volontaire.
Incapables de modéliser ce nouvel ordre spontané dans lequel le capital humain n'est plus entravé par le pouvoir, les socialistes inventeront la notion de "capitalisme", une fiction dans laquelle des forces organisées (la bourgeoisie) complotent pour asseoir leur pouvoir. Il n'y a pourtant jamais eu de mouvement destiné à inventer ou promouvoir le capital ; aucun guide, aucun "grand timonier", aucun mouvement politique n'a créé le "capitalisme" rêvé par les socialistes. Les théoriciens de la société capitaliste, les économistes, les rédacteurs de la DDH de 1789, ne font que reconnaître, constater ou expliquer le phénomène. Le capital est un fait naturel lié à la nature de l'homme, ce n'est ni une doctrine, ni un mouvement politique et il ne peut être affublé du suffixe -isme.
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La propriété privée en tant qu'ordre social
Dans le modèle libéral, la propriété privée n'existe qu'après l'impôt régalien. L'impôt régalien n'est jamais du vol puisque la propriété ne devient privée, donc stable, garantie et publique, qu'après l'action du pouvoir.
Au delà de l'impôt destiné à couvrir les dépenses régaliennes de l’État, existent d'autres impôts qui peuvent être considérés comme des facilitateurs de formation du capital : le financement de l'éducation publique est destiné à augmenter le capital humain, celui des infrastructures à faciliter les échanges, donc le développement du capital. Les philosophes libéraux classiques, Hayek compris, n'excluent pas une forme de redistribution émanant du gouvernement si celle-ci ne fausse pas les mécanismes du marché.
Si l'ordre libéral abolit la collectivisation de la propriété, il faut bien comprendre qu'il instaure une autre forme de collectif. Tout le monde, c'est à dire la population du monde entier, doit admettre, de gré ou de force, que la propriété d'un individu donné ne peut être réclamée par aucun autre individu ou groupe d'individus. L’État régalien, police, justice, garantit cette propriété à l'intérieur du pays ; l'armée est chargée de dissuader le reste du monde de toute atteinte à cet ordre interne. Si on veut résumer ce constat par une formule : l'ordre ancien et les socialismes organisent la propriété collective ; l'ordre libéral organise la non-propriété collective.
L'ordre libéral repose donc lui aussi sur un équilibre social..
L’État, garant de la propriété privée, peut aussi devenir son ennemi
Dans la conception libérale classique l’État,
émanation du peuple réuni en nation, est donc le garant de la
propriété-droit-de-l'homme. Ce sont les hommes de l’État qui transcrivent ce
droit naturel en droit positif et transforment la propriété-droit-de-l'homme en
propriété effectivement privée pour tous les autres. Mais l’État peut
aussi devenir son ennemi s'il dépasse ses prérogatives.
L'impôt peut ainsi devenir abusif, démesuré, oppressif, s'il s'oppose à la
propriété-droit-de-l'homme, c'est à dire s'il empêche la formation ou le
maintien du capital humain. Il devient alors une forme de spoliation
légale.
L'ordre libéral n'est donc jamais acquis. En tant
qu'ordre spontané il est massivement promu par les individus qui, en dehors de
toute idéologie, cherchent naturellement à développer leur capital humain. Mais
il est combattu par les mêmes individus qui au sein du gouvernement ou à
travers des lobbies cherchent à imposer leurs morales : socialistes,
écologiste, hygiéniste, identitaire, islamiste.
Le poids politique des libéraux conscients est aujourd'hui extrêmement faible
dans cet équilibre.