Quand les B.O.F. (Bureaucrates, Officiels, Fonctionnaires) dénoncent le "fascisme néolibéral"

Manuela Cadelli a cru bon commencer son article intitulé : "le néolibéralisme est un fascisme" par cet avertissement : "le temps des précautions oratoires est révolu".
Toute personne ayant un minimum de culture sur l'histoire et la philosophie libérale pourrait croire que cette expression vise à prévenir le lecteur que désormais on peut raconter n'importe quoi et s'affranchir du sens des mots. Or il semble qu'il n'en est rien, l'article est bien au premier degré. Dans l'esprit de ce fonctionnaire de l'administration belge,"prendre des précautions oratoires" signifie rester poli, s'abstenir d'employer des mots violents qui risquent de désigner ses adversaires politiques comme des ennemis physiques.
Manuela Cadelli a donc décidé de passer outre ces règles de bienséance pour attaquer directement ses adversaires à savoir le "néolibéralisme", les "milieux financiers" et la "classe dirigeante" en les traitant de fascistes.

Nous répondrons donc sur le même ton et en omettant à notre tour les précautions oratoires.

Une nouvelle définition du fascisme

Que le fascisme et le nazisme soient des mouvements profondément socialistes, résolument anticapitalistes et que ses leaders historiques aient attribués tous les malheurs du monde aux "milieux financiers" tandis que de leur côté, les philosophes, et représentants politiques libéraux se sont toujours opposés aux différentes formes du socialisme n'a pas l'air de perturber Madame Cadelli.

Elle définit en effet le fascisme comme : "l’assujettissement de toutes les composantes de l’État à une idéologie totalitaire et nihiliste.".

L'État, essence du Bien, catégorie sacralisée qui ne peut être ni interrogée ni remise en cause, devient donc une victime de l'idéologie fasciste, c'est lui dont "toutes les composantes sont asservies".

Le commun des mortels considère que l'État totalitaire fasciste asservissait les individus, mais Madame Cadelli, dans son libelle, invente le contraire, l'asservissement de l'État à une idéologie. Autrement dit, à la chute du fascisme ce ne sont pas les individus qui ont été libérés de l'emprise d'un État totalitaire mais l'État qui a été libéré de l'emprise d'une idéologie. Selon cette activiste de la fonction publique l’État n'est donc jamais responsable de rien puisque, lorsqu'il déraille, il est simplement la victime d'une mauvaise idéologie. On peut noter au passage que cette vision d'un État "organique", capable comme un être vivant d'être "assujetti" de "subir des influences", s'inscrit dans la tradition hégélienne inspiratrice entre autres du fascisme.

L'organicisme naïf de Mme Cadelli ne s'arrête d'ailleurs pas à l'État : ainsi "l'économie" est selon elle capable "d'assujettir des gouvernements". Falsification du vocabulaire, les gouvernements deviennent donc des "sujets" qui obéissent à "l'économie" vue comme un organisme pensant et capable de prendre des décisions.

Si on rétablit la réalité et le sens des mots, Mme Cadelli regrette en fait que l'économie, c'est à dire les échanges opérés par les êtres humains pour parvenir à leurs fins, impose des contraintes et des restrictions à l'État. "L’austérité voulue par les milieux financiers est devenue une valeur supérieure qui remplace la politique." Cette suprématie de la politique et de la raison d’État sur les aspirations des individus que Mme Cadelli veut restaurer, est une des composantes du vrai fascisme :

"La clef de voûte de la doctrine fasciste est la conception de l'État, de son essence, de ses fonctions, de ses fins. Pour le fascisme, l'État est l'absolu devant lequel les individus et les groupes ne sont que le relatif." Mussolini, La doctrine du fascisme, 1932.

Culte de l'État et totalitarisme économique

Les services publics belges dépensent l'équivalent de 54% de toutes les richesses créées dans le pays pour décider à la place des individus ce qui est bon pour eux et qui ils doivent aider ou financer. Comment qualifier cette ponction monstrueuse exercée par la force ou par la menace de son emploi ; est-ce du fascisme ? Nous ne tomberons pas quant à nous dans le piège du néo-antifascisme. Il est clair que l'État belge, comme l'État français, c'est à dire la caste des fonctionnaires et leur appareil de cooptation, n'ont pas de "grand dessein". L’État omniprésent et omniscient des social-démocraties n'a ni "essence" ni "fin", c'est ce qui le distingue du fascisme.

De plus, malgré une police de la pensée menée par quelques activistes, dont Mme Cadelli est un bon exemple, et appuyée par une législation croissante, la liberté d'expression et de publication reste acquise, sans commune mesure avec le fascisme. 

La route vers le totalitarisme économique est en revanche bien réelle. Tandis que les assistés se voient attribuer d'autorité ce-dont-ils-ont-besoin-pour-vivre, les classes moyennes supérieures se font confisquer jusqu'à 80% de leur pouvoir de décision économique. En fait dans ce système ultra étatique personne ne peut plus décider ; ni les assistés à qui l'ont refuse toutes les libertés de base, chasser, pêcher, cultiver, bâtir une maison, commercer, ni les ponctionnés qui n'ont plus les moyens de conclure leurs affaires comme ils l'entendent.

Donc, même s'il ne sont pas des fascistes, les B.O.F. (Bureaucrates, Officiels, Fonctionnaires) sont des collaborateurs actifs du "totalitarisme qui vient", ou au mieux des planqués qui profitent du système.

Déformation du réel

Comme tous les apparatchiks publics spécialistes du révisionnisme politique et sémantique, Manuela Cadelli consacre un paragraphe surréaliste de son médiocre pamphlet à la "déformation du réel". Le néolibéralisme (encore un organicisme) est ainsi accusé de "dévoiement du langage". On apprend dans ce paragraphe que dans la "novlangue néolibérale" : "certaines personnes sont qualifiées d’assistées parce qu’elles relèvent de la solidarité nationale". Qualifier quelqu'un "d'assisté" parce qu'il relève de la solidarité nationale voilà un "dévoiement du langage"qui fera frémir les linguistes ! De même, nous apprenons qu'il ne faut pas parler de "modernisation d'un secteur ", c'est de la "novlangue néolibérale" ; un secteur ne peut pas se moderniser pour coûter moins à la communauté, il faut dans le langage agréé par Mme Cadelli parler de "coupes budgétaires" - pourquoi pas - mais pourquoi cette expression devrait-elle remplacer la première ?

Nous pourrions de notre côté énumérer les très nombreux et bien réels dévoiements du langage étatiste :

  • - les transferts sociaux financés par l'argent des autres deviennent de la "solidarité".
  • - la recherche d'une société juste (justesse sociale) se transforme en "justice sociale" où les B.O.F. se présentent comme des "justiciers" chargés de punir les riches (les coupables) et d'indemniser les pauvres (leurs victimes).
  • - les privilèges des B.O.F. et de certaines professions ou catégories sociales protégées deviennent des "avantages acquis".

Mais le plus étonnant, ainsi que d'autres observateurs l'on déjà signalé, c'est que le "néolibéralisme", accusé d'être un "fascisme", n'existe pas. Aucune formation politique, aucun penseur libéral ne se présente comme "néolibéral". Le néolibéralisme est une catégorie politique fictive inventée par les ennemis du libéralisme classique.
La seule apparition fugitive du terme néolibéral parmi les libéraux, se situe au lendemain de la guerre lors du fameux colloque Walter Lippmann. Et les "néolibéraux", appelés ainsi le temps du colloque, étaient ceux qui souhaitaient plus d'intervention de l’État.

Confusion entre cause et effets

Le couplet de Mme Cadelli sur le "culte de l'évaluation" commence encore par un organicisme ; il lui est manifestement difficile de raisonner autrement qu'en attribuant des pensées et des intentions à des catégories abstraites au lieu d'analyser les comportements individuels. Le "Darwinisme social", (une doctrine), devient ainsi capable d'assigner "à tous et à chacun les plus strictes prescriptions de performance : faiblir c’est faillir." ; comment, pourquoi, on se le demande.

Lorsque 2,8 millions d'actifs de l'économie marchande doivent faire vivre 11 millions d'habitants tout en finançant 900 000 mandataires publics et en assurant le remboursement d'une dette de 100% du PIB, il ne semble pas très étonnant que les individus actifs soient pressurés. La survie dans un milieu étatique hostile demande des adaptations et des remises en cause incessantes. Il faut produire plus, pour conserver une part de plus en plus maigre des fruits de son travail.

Les B.O.F. se sont fait une spécialité d'attribuer à des entités fictives (le marché, les milieux financiers, le néolibéralisme) les dégâts qu'ils occasionnent, puis de prétendre les réparer en ponctionnant toujours plus la société civile. Il réclament sans cesse plus de "moyens" et Mme Cadelli n'échappe pas à la règle en dénonçant une "justice belge sous financée".


Comme le relève Pierre André Taguieff dans Les contre réactionnaires : "Quand les "fascistes" demeurent invisibles , les antifascistes ne concluent jamais qu'ils n'existent pas, ils s'empressent de les inventer.". Une autre formule tirée du même ouvrage résume bien la posture de Mme Cadelli : L'opium "néo-antifasciste" permet aux intellectuels de gauche les plus invertébrés, désertés par la pensée et le courage, de se supporter eux-même.

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