Car l'actualité sur Nelson Mandela lui donne l'occasion de venir titiller Marine Le Pen sur le passé peu glorieux du Front National sur le sujet . A peine Madame Le Pen a-t-elle déclaré que Nelson Mandela était "une figure d'apaisement" et que "la sortie de l'apartheid était une bonne nouvelle", que Patrick Cohen l'attaque sur les anciennes positions de son père et de Bruno Megret. Il réussit cette fois à (enfin) énerver Marine Le Pen qui traite France Inter de "vieux relents de bolchevisme" puis de "radio bolcho".
Les "contre-réactionnaires" entrent en action
L'expression fait les choux gras de la gauche dirigiste qui y décèle
immédiatement une "preuve" de la filiation du FN avec le fascisme (ce qui
semble être un scoop). Ainsi le chroniqueur
Bruno Roger-Petit, relayé par "Le Plus" du Nouvel Observateur ne craint pas
d'écrire :
"... ce "bolcho" jeté par Marine Le Pen à la face de Patrick Cohen est la manifestation de ce que l'habitus "facho" de Marine Le Pen est vivant, et bien vivant. "
L'ancien journaliste de France télévision, dans la droite lignée des "contres-réactionnaires" de pacotille, si bien décrits par Pierre André Taguieff, commence d'ailleurs son article par un subtil :
Il utilise donc exactement le même procédé que Marine Le Pen sans même s'en apercevoir."chassez le naturel il revient au facho".
Etymologiquement, France Inter est bien une radio "bolchévique"
Au delà de cette polémique stérile, il est intéressant de se pencher sur le
sens réel du mot bolchevik.
En effet, les bolcheviks sont en russe, ceux qui ont la majorité. Et le
bolchévisme, c'est la dictature parfois violente de la majorité. L'idée que la
majorité, à travers ses représentants, peut faire absolument ce qu'elle veut du
simple fait qu'elle est majoritaire, est l'idée centrale de la démocratie
représentative, soutenue par la quasi-totalité des médias. Cette idée repose,
depuis Rousseau, sur plusieurs postulats largement erronés, à savoir que la
majorité ne se trompe pas, qu'elle possède un fondement moral à opprimer la
minorité, qu'elle est neutre politiquement alors que par définition elle est
collectiviste, qu'elle est non violente alors qu'elle permet aux plus influents
d'utiliser le monopole de la violence à leur profit.
Au sens étymologique du mot, France Inter est donc clairement une radio
bolchévique qui accepte sans broncher l'absolutisme démocratique c'est à dire
l'immixtion des décisions majoritaires dans tous les domaines de notre vie :
s'habiller, circuler, manger, voyager, avoir des relations sexuelles, aimer,
travailler, tout, absolument tout, est régi par des "codes" de plus en plus
contraignants sans que cette invasion ne provoque la moindre enquête ou le
moindre doute au sein de cette radio publique. France Inter c'est la voix de la
démocratie représentative à tendance absolutiste. Celle qui n'est pas près de
comprendre ce principe simple : soumettre au vote quelque chose qui ne
doit pas l'être est aussi dictatorial, aussi violent et aussi inique que lui
soustraire ce qui doit l'être.
Quand Marine le Pen devient "bolcho"
Le plus paradoxal c'est que Marine Le Pen, qui sent que la "majorité" est à sa
portée, devient elle aussi une adepte de la démocratie représentative sans
limites, ce système béni qui lui permettra d'imposer ses vues à la "minorité"
dans tous les domaines de la vie courante grâce à l'appareil coercitif préparé
par les dirigistes gaullistes et socialistes. Elle assène ainsi dans la même
émission :
"Dans une élection, quand il y a deux personnes, il en a un qui fait plus de 50% et l'autre qui fait moins, évidemment, c'est tout à fait naturel".
Pas sûr qu'on soit rassurés !
1 De Michel Dabert -
plutôt s'accord avec l'article, si ce n'est une référence un peu maladroite à Rousseau. Il ne faut pas confondre chez cet auteur la volonté générale la voix de la majorité, le nombre ne fait pas raison, car le peuple mal informé peut exprimer une opinion majoritaire qui n'est pourtant que l'émanation d'intérêts privés..
2 De alcodu -
Merci pour je commentaire. Je ne vois pas trop à quoi vous faites référence s'agissant de Rousseau.
Je connais la fameuse distinction rouseauienne entre "l'amour propre" et "l'amour de soi". C'est à l'aide de ce concept que Rousseau justifie la dictature absolue de la majorité.
Pour Rousseau, il y a aliénation totale des individus à la communauté qui devient « partie indivisible du tout », le corps moral et politique de l’État possède une vie propre, une « volonté ». Dans l’esprit de Rousseau, ni les droits de l’homme, ni une constitution ne peuvent limiter la souveraineté de la personne publique. Le pouvoir du peuple souverain est sans limite ce qui a fait écrire à Rousseau la fameuse formule annonciatrice du totalitarisme :
« Quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose, sinon qu’on le forcera à être libre ».
3 De Emmanuel -
" Vous avez juridiquement tort car vous êtes politiquement minoritaires".
André Laignel, député PS, 1981.
4 De Aurel -
Je pense que l'on peut reprocher à Patrick Cohen ce qu'on voudra mais face à Marine Le Pen qui incarne l'extrême droite plurielle fascisante et xénophobe toujours autant malgré les apparences cosmétiques, il n'y a pas non plus 36 postures à avoir. Par contre là où je suis désaccord avec Patrick Cohen c'est qu'il refuse d'inviter Soral, Dieudonné et Tariq Ramadan. Il reçoit bien pire Marine Le Pen, pourquoi un tel deux poids deux mesures surtout qu'il est sur le service public en plus.
5 De alcodu -
Il n'y a effectivement pas 36 postures à avoir. Il faut poser des questions qui dérangent - c'est le rôle d'un journaliste - rien à dire là-dessus - mais il faut aussi écouter les réponses et ne pas faire de procès d'intention.
Les politiques peuvent faire des procès d'intention et affirmer à Marine Le Pen : "vous ne pensez pas ce que vous dites" mais ce n'est pas du tout le rôle d'un journaliste.
En ce qui concerne Dieudonné et Soral, je comprends parfaitement que Patrick Cohen n'invite pas des personnes dont le fonctionnement mental est dérangé. Il n'y a aucun dialogue possible entre eux et un journaliste puisqu'ils fonctionnent sur le mode de la déclamation. Pas besoin d'un interlocuteur pour écouter des affirmations passionnelles, pour cela il y a hyde park corner.
6 De Jonathan -
Je pense qu'on gagnerait tout de même à se démarquer des autres en contredisant les thèses de ces extrémistes avec des arguments, et pas des anathèmes. Car cela aussi, c'est de l'ordre du passionnel. Et ils ont un public, qui ne doit pas les prendre pour des dérangés. On peut même dire que le fait de voir des adversaires qui ne contredisent pas mais psychiatrisent, leur donne raison en quelque sorte.