Un syndicat de salariés , c'est libéral par nature
Avant d'analyser le fonctionnement des "syndicats de patrons" remettons les choses à leur place en ce qui concerne ceux de salariés. Un syndicat de salariés, on comprend facilement comment ça fonctionne ; les employés et ouvriers s'associent pour obtenir des hausses de salaire ou une amélioration de leur conditions de travail sous la menace d'un arrêt de travail, ou bien ils s'engagent à se soutenir mutuellement si l'un d'eux venait à subir des mesures discriminatoires ou simplement injustes. Les libéraux ont toujours été profondément favorables à ce type d'association qui est un des mécanismes régulateurs du capitalisme. Après les jacobins, ce sont d'ailleurs les marxistes qui se sont le plus opposés à la création et au fonctionnement des syndicats ouvriers. Normal, les marxistes ne voulaient pas du capitalisme, donc surtout pas des processus qui permettaient sa normalisation et sa régulation. C'est le compromis entre gaullistes et communistes qui a transformé les syndicats en ce qu'ils sont devenus aujourd'hui, à savoir des organes financés par l'État et chargés de lui transmettre les supposées revendications d'une "base" qui n'existe pas. Le mouvement syndical, par essence libéral, puisque basé sur l'accord contractuel entre salariés et patrons, a été transformé en groupes de pression à travers lesquels les plus influents, les plus nombreux ou les plus violents, tentent d'obtenir des avantages par la voie de la contrainte étatique.
Un "syndicat" de patrons c'est étatiste par nature
Il en va tout autrement des mouvements patronaux qui sont, eux, par
définition, corporatistes et clientélistes. Si l'on fait remonter l'origine des
organisations patronales aux corporations, maitrises et jurandes du moyen-âge
on est bien obligé de constater que le souci des "patrons" et artisans de
l'époque n'était pas l'ouverture et assez peu l'esprit d'entreprise, mais
l'obtention de privilèges royaux et des moyens juridiques de les conserver.
C'est la révolution dans sa composante libérale qui allait durant la nuit du 4
août rétablir la liberté d'entreprendre contre les anciens bénéficiaires de
privilèges.
Dans sa forme plus moderne, le mouvement patronal trouve ses fondements à
partir des années 1840, dans l'opposition au libre échange prôné par ...
l'État. Eh oui, cela parait assez incroyable de nos jours mais à l'époque,
c'était bien le gouvernement, influencé par les économistes et philosophes
libéraux de l'école de Paris qui poussait au libre échangisme contre les
industriels. C'est d'ailleurs pour réclamer des taxes à l'importation des
produits étrangers que sont créés de 1835 à 1840 le Comité des industriels de
l’Est, le Comité des intérêts métallurgiques, l’Union des constructeurs de
machine et le Comité des houillères françaises. En 1849, l’Association pour la
défense du travail national, première association interprofessionnelle créée en
1846, obtient l’exclusion des produits étrangers lors de l’Exposition
industrielle de Paris !
Ce comportement perdure de nos jours au sein des fédérations et syndicats
professionnels qui constituent la base d'adhérents du Medef. Il ne s'agit plus
vraiment de taxer les importations – encore que l'idée ressurgit régulièrement
chez les archéo-gaullistes et autres souverainistes bornés – mais de mendier
auprès de l'État ou de Bruxelles des aides, ou des "protections" qui peuvent
prendre de multiples formes.
On peut donc affirmer qu'un syndicat de salariés est naturel et libéral alors
qu'un syndicat de patrons est antinaturel – pour quelle raison des patrons
s'associeraient-ils avec leurs concurrents ? – et antilibéral – pour quelle
raison des patrons s'associeraient-ils, si ce n'est pour obtenir des avantages
ou des protections auprès du gouvernement ?
A ce titre il faut souligner que l'un des motifs importants de la mobilisation
patronale au cours de notre histoire a précisément consisté pour les
industriels à demander à l'État d'agir contre le syndicalisme. Les patrons de
la fin du XIXe siècle ne se préoccupaient pas de savoir si le syndicalisme
ouvrier était d'essence libérale ou socialiste, ils voulaient juste faire
interdire les grèves par l'usage de la force publique – ce que nos modernes
"libéraux-conservateurs" ont une fâcheuse tendance à oublier !
Le Medef libéral ?
Pourtant, depuis sa création en 1998, le Medef est perçu comme défendant des
idées sensiblement plus libérales que son prédécesseur le CNPF. Comment un
mouvement dont les adhérents sont une multitude de fédérations clientélistes
jalouses de leurs intérêts peut-elle passer pour libérale ?
A cela deux raisons :
- La première réside dans la mission que s'est fixée le Medef. Elle trouve son origine dans la désillusion des patrons, après le cuisant échec subi lors de la négociation sur les 35 heures. Rendus très méfiants vis à vis du paritarisme, les supposés "patrons des patrons" ont inventé une super agence de communication patronale, un lobby politique qui se mêle de tout : économie, emploi, développement durable, équipement, et même relations européennes et internationales. Conséquence de cette nouvelle organisation, le ton et les sujets abordés par le Medef sont moins influencés par les négociations engagées dans chaque branche par les syndicats et fédérations professionnelles. La formule a rencontré un certain succès puisque l'audience du Medef et ses apparitions dans les médias ont considérablement augmenté par rapport au poussiéreux CNPF.
- La deuxième tient aux difficultés croissantes du modèle économique français. Embarqués dans la galère d'un dirigisme économique qu'ils ont très largement contribué à promouvoir, les dirigeants de la hiérarchie patronale, enfin libérés des négociations de terrain, réclament moins d’État maintenant que ladite galère est en train de couler. Certains industriels ont même un intérêt direct à afficher des positions libérales lorsqu'ils dirigent des entreprises qui tentent d'établir une concurrence face aux anciens monopoles publics. Le Medef peut donc afficher une façade libérale de circonstance, tandis que les fédérations et syndicats professionnels qui le composent se chargent de réclamer plus d'aides et de protections à l’État.
Bien entendu les patrons, adhérents des fédérations et associations
professionnelles membres du Medef, défendent "l'esprit d'entreprise", mais les
ingrédients qui le composent ne sont pas clairement définis. Car si les patrons
attendent du Medef qu'il se batte pour la réduction des charges et des impôts,
ils n'hésitent pourtant pas à réclamer au pouvoir des aides, subventions,
concessions, missions, plans de relances, barrières non douanières,
regroupements, qui seront financés par les charges et les impôts "des
autres".
Alors non, décidément le Medef ne sert pas à grand chose, si ce n'est à
dévaloriser l'image des vrais entrepreneurs et des vrais libéraux. En
prétendant exprimer la "voix des patrons", il entérine le vieux schéma marxiste
de la "lutte des classes", cette représentation magique de la société à travers
laquelle le "patronat" "pense", "agit", "s'organise", Le fait de prêter une
intelligence, une intention, une volonté, à un groupe de personnes en raison de
leur fonction est une des grandes régressions, presque animiste du socialisme.
On est en tout cas bien loin de l'individualisme méthodologique qui devrait
seoir à une organisation prétendument libérale !
Par comparaison les pigeons ont adopté une organisation nettement plus
libérale-compatible. Ils ne prétendent pas être une association d'entrepreneurs
mais un mouvement qui les défend. Rien n'empêche un fonctionnaire,un chômeur ou
un salarié de "liker" la page des pigeons. C'est toute la différence entre un
mouvement corporatiste et un autre qui nait de la résistance à l'oppression,
quatrième des droits naturels et imprescriptibles de l'homme.
1 De alcodu -
Le domaine de la formation que tu évoques (et qui te tiens à cœur) n'échappe à mon avis pas aux principes que j'ai décrits dans l'article.
Car ce qui empêche, plus que tout les entreprises de former des jeunes c'est le droit du travail.
Je te rappelle qu'en France une entreprise n'a pas le droit de proposer une formation à un salarié en échange de son engagement à travailler pour l'entreprise pendant une période déterminée. Les sociétés qui prennent le risque de former des salariés au delà des obligations légales peuvent donc les voir partir à tout moment.
Cette disposition ne s'applique pas dans le public où certains corps forment gratuitement des jeunes qui, à l'issue de leurs études, "doivent" des années de service à l'Etat.
Cette restriction, inspirée du socialisme le plus primaire (les entreprises privées sont immorales, seule l'entreprise publique détient La Morale et peut former les jeunes) tue littéralement l'apprentissage et toutes les formes de formations qualifiantes. En effet, les entreprises financeraient largement la formation si elle pouvait leur servir à battre leurs concurrents. Au lieu de cela ont leur demande de former les salariés dans une optique collectiviste, sous la contrainte étatique et pour une bonne part dans des domaines externes au champ d'activité de l'entreprise. Le système est à la base voué à l'échec !
Je ne crois pas qu'il soit naturel pour des patrons, de s'unir pour former des jeunes qui iront chez leurs concurrents. Le réflexe normal d'un patron libre de ses actions sera de choisir puis de former au mieux des jeunes, en s'assurant par contrat qu'ils resteront chez lui (pendant un temps déterminé en rapport avec le coût de la formation). Comme ses concurrents feront de même, cela créera une émulation et une compétition entre les formations, ce qui est excellent pour le niveau et la qualification des élèves.
Bien entendu, rien n'empêche des patrons de s'unir dans n'importe quel domaine. On parle dans ce cas de joint-venture et non pas de syndicat.
Il demeure que naturellement, des patrons ne vont pas s'unir sauf dans un cas précis qui est de mutualiser des moyens face à un concurrent plus gros qu'eux. Cela concerne généralement quelques entreprises. On n'a jamais vu une joint-venture de 750 000 entreprises. Cela n'aurait aucun sens. Je persiste donc à dire que le Medef est une création du socialisme et une aberration.