Tout d'abord, la méthode. Confier une mission parlementaire à un socialiste sur un "sujet de société" est une martingale particulièrement payante pour la droite. Depuis que la gauche, sous l'influence du rocardisme, est devenue un bastion de puritains hygiénistes, le procédé marche pratiquement à tous les coups. L'épithète "réactionnaire" que l'on croyait réservé au peuple de droite s'applique désormais parfaitement aux ligues de vertu socialistes ou au culte écologique. Les chefs de file de notre bonne vieille droite gaulliste n'hésitent donc plus à nommer des personnalités de gauche à la tête des multiples "comités d'éthique" ou "missions parlementaires" convaincus qu'ils se comporteront en auxiliaires zélés de la morale chrétienne conservatrice. Faire bâtir par la gauche une loi rêvée par la droite c'est le plus sûr moyen de la faire aboutir.
Ensuite, sur le fond, on pourrait disserter sur les préférences opérées par la commission parlementaire présidée par Danielle Bousquet qui, sur deux cents auditions, n'a entendu que quinze prostituées dont sept en activité, le reste étant réservé aux "experts".
On pourrait rappeler pour la énième fois que l'Etat, qui ne rechigne pas à fiscaliser la prostitution (les prostituées doivent cocher la case "bénéfices non commerciaux" sur leur déclaration de revenus), se place de fait en position de proxénète.
On pourrait mieux écouter Morgane Merteuil, secrétaire générale du syndicat du travail sexuel, lorsqu'elle dit que les travailleuses du sexe ne sont pas forcément des victimes et que, parlant des clients elle affirme : "ils sont bien plus respectueux envers nous que les féministes abolitionnistes"
On pourrait souligner, comme Elisabeth Badinter, que la seule question c'est que la femme "ne soit pas contrainte" ce que confirme intelligemment Morgane Merteuil en distinguant le proxénétisme de soutien du proxénétisme de contrainte.
On pourrait redire que la "protection des femmes" sert souvent de prétexte pour les maintenir dans la soumission. Le voile, l'interdiction du divorce ou des rapports avant le mariage, le chaperonnage, c'est toujours pour "protéger" les femmes.
On pourrait enfin évoquer le fait que le tourisme sexuel (que l'on pourrait aussi dénommer exode sexuel) permettra toujours à ceux qui en ont les moyens d'échapper à l'interdiction du sexe tarifé dans leur pays.
Mais tout cela ne sert à rien.
Aucune des expériences du passé ne peut servir de leçon à cette famille politique désastreuse qui s'entête dans un dirigisme obtus.
L'emploi va mal ? ils légifèrent pour pénaliser les licenciements et provoquent une recrudescence du chômage.
Le niveau de vie ne progresse plus ? ils décrètent le salaire minimum le plus élevé du monde et condamnent à l'exclusion tous ceux dont le travail vaut moins que ce seuil artificiel.
Les locataires ont des fins de mois difficiles ? ils empêchent le recouvrement des loyers impayés et provoquent une pénurie de logements locatifs et une hausse des tarifs.
Les drogues sont contraires à leur morale ? ils les interdisent et provoquent un gigantesque trafic international, le financement du terrorisme et la diffusion des produits à la sortie des écoles.
L'économie n'est pas assez dynamique ? Il maintiennent un déficit permanent pendant quarante ans pour satisfaire leur clientèle électorale et mettent leur pays en faillite.
On peut facilement imaginer la nouvelle catastrophe qu'une loi pénalisant la prostitution provoquera au bout de quelques années : trafic exclusivement aux mains de la mafia, violence et clandestinité pour les femmes, exode sexuel pour les riches, moins de rentrées fiscales et plus de frais liés à la répression pour l'Etat. Un désastre de plus à l'actif des constructivistes !
Mais nous avons gardé le plus scandaleux de cette affaire pour la fin car l'expression "La position abolitionniste de la France", employée dans la résolution votée par l'assemblée, cherche clairement à établir un parallèle entre la future loi et rien moins que l'abolition de l'esclavage.
Après avoir mis le pays en faillite, nos députés prétendent donc se comparer à ceux qui ont aboli l'esclavage. Pas de chance pour eux, ce sont les ancêtres des libéraux qui par deux fois, avant et après Napoléon, ont aboli l'esclavage au nom des Droits de l'Homme de 1789 qui posent comme principe inaliénable la liberté et la propriété de chaque individu sur son corps et sur les fruits de son travail.
Il est donc évident qu'au nom de ces mêmes principes, la pratique de la prostitution entre adultes libres et consentant, donc sans coercition, doit être possible sans pénalisation du prestataire de service (c'est à dire du ou de la prostituée) ni du consommateur.
A l'inverse, la pénalisation de la prostitution est très clairement une forme d'esclavage puisqu'elle revient à ne pas reconnaître la propriété des individus sur leurs corps et sur les fruits de leur travail.
Ceux qui veulent faire passer aux yeux de l'opinion la prohibition de la prostitution pour l'abolition d'un esclavage sont donc, au choix, des usurpateurs ou des incultes. En tout cas il faut qu'ils partent, vite !
Non, la prohibition de la prostitution n'est pas l'abolition d'un esclavage.
Une proposition de loi visant à pénaliser les clients des prostituées a été déposée à l'assemblée nationale. Cette proposition fait suite au rapport publié en avril dernier par la la mission d’information parlementaire sur la prostitution. La député socialiste Danielle Bousquet en était la présidente et Guy Geoffroy, UMP, le rapporteur. Avant que cette proposition de loi soit soumise au vote, une résolution symbolique a déjà été votée à l'unanimité par l'assemblée le 6 décembre. Elle "réaffirme la position abolitionniste de la France dont l'objectif est, à terme, une société sans prostitution" et juge "primordial que les politiques publiques offrent des alternatives crédibles à la prostitution et garantissent les droits fondamentaux des personnes prostituées".
Que dire de cette résolution et de la proposition de loi qui l'accompagne ?
1 De alcodu -
Article publié sur Rue89
et sur Contrepoints.
Je précise que l'orthographe "la députée" sur rue89 n'est pas de moi mais que cette "correction" vient probablement des journalistes du site. J'écrirai "députée" pour une parlementaire féminine le jour ou l'on écrira parlementair pour un député de sexe masculin.
2 De Robotophe -
Certains mots sont invariables dans leur genre et d'autres non... En partant du même principe, pourquoi écrire dans l'article "une prostituée" avec un 'e' final alors qu'elle n'est qu'une "prestataire de service" (dont le masculin ne s'écrit pas "prestatair")... Et l'on pourrait multiplier les exemples (je me suis limité à des mots présents dans l'article, sans chercher plus loin).
Bref, je trouve le concept étrange...
Mis à part ce détail, article très intéressant et avec lequel je suis complètement en accord !
3 De alcodu -
Prostituée peut être considéré comme le participe passé du verbe prostituer. Donc un prostitué et une prostituée n'a pas du tout la même justification que un député et une députée qui ne dérive pas d'un verbe.
Il me semble qu'en français les noms (substantifs) ne s'accordent pas en genre. Ils possèdent un genre.
Une sentinelle ou une vigie restent des noms féminins même si ce sont des hommes qui occupent ces postes.
Si on veut utiliser député et députée, il ne s'agit pas d'un accord mais d'un nouveau substantif que l'on crée. Pourquoi pas, après tout. Mais dans ce cas pourquoi ne pas créer de nouveaux substantifs pour tous les postes et fonctions. une parlementaire, un parlementair ?
Une autre façon de faire consisterait à admettre que député ou sentinelle est, suivant le contexte, masculin ou féminin. Une député, un sentinelle.
Le mélange actuel me parait incohérent, mais bon, vous avez peut-être raison. Je ne m'accrocherai pas plus que ça sur ce sujet...
4 De JLER -
Oui j aime bien l'article. Le probleme c est l'usage de la violence et de la contrainte sur ces femmes et ce n'est pas l'activite en elle meme. Notre systeme juridique doit etre equipe pour punir ces violences. Ensuite la question qui se pose c'est lorsque les prostituees exercent ou market dans l'espace public. C'est normal qu'un riverain puisse ne pas etre daccord avec ca apres tout. La problematique de la maison close (espace prive) se pose donc a mon sens.
5 De alcodu -
Oui, le seul problème c'est l'usage de la violence et de la contrainte.
Je pense que l'exemple des Pays Bas n'est pas mal.
Le mot prostitution n'existe pas dans leur code pénal ce qui est déjà en soi intelligent.
Il n'y a pas d'infraction de proxénétisme - qui n'a aucun sens puisque l'Etat est de fait un proxénète dès qu'il prélève des impôts - En revanche le proxénétisme par coercition est lourdement puni, et encore plus s'il concerne des mineures.
En revanche les ouvertures d'établissement sont soumises à autorisation ce que je déplore. Une obligation déclarative est à mon avis suffisante.
Sur le racolage, je ne vois pas non plus de vrai problème.
6 De alcodu -
hum, hum le verbe députer existe bien. Donc une députée, ça tient la route. Mea culpa.
Une auteure, non, là ça ne tient pas.