Dans notre système, l'État ne peut pas faire baisser ses dépenses.
En effet, un gouvernement qui le ferait s'attirerait les foudres de sa
clientèle électorale, qui à tort ou à raison, croit vivre aux dépens de la
clientèle électorale du parti adverse. De plus, et c'est le point crucial, en
baissant ses dépenses un parti au pouvoir offre au parti adverse la possibilité
de les rétablir. Toute somme économisée devient une arme pour l'opposition
puisque cette dernière peut promettre de la dépenser à nouveau en faveur de sa
propre clientèle électorale. Cela signifie que le parti qui déciderait vraiment
de réduire les dépenses publiques se sacrifierait pour au moins deux
mandatures. D'abord il perdrait le pouvoir sous le double effet du
mécontentement de sa propre clientèle et de l'accroissement de la capacité de
dépense offerte à l'adversaire. Puis, pendant sa première mandature, la
nouvelle majorité rétablirait ou dépasserait le niveau de dépense de son
adversaire trop vertueux, ce qui aurait pour conséquence de satisfaire sa base
électorale. Donc cette majorité serait probablement réélue pour une
deuxième mandature.
Inutile de préciser que ce type de scénario est impossible - il ne s'est
d'ailleurs jamais produit au cours de la Ve république - pour la simple raison
qu'un parti qui tenterait cette manœuvre suicidaire perdrait très rapidement le
soutien de ses élus, lesquels apprécient en général moyennement les mesures de
gouvernement de nature à leur faire perdre leur mandat local.
Pour bien se convaincre de cette mécanique électorale, on peut d'ailleurs
observer que la surenchère a commencé. Martine Aubry a amorcé les
hostilités en annonçant qu'elle allait doubler le budget de la culture, puis, à
l'occasion de l'émoi provoqué par l'insécurité marseillaise, elle a promis de
rétablir dix mille policiers supprimés selon elle par la RGPP (Révision
Générale des Politiques Publiques). Comme le phénomène décrit plus haut
fonctionne également pour une primaire, François Hollande a promis vendredi 9
septembre de "restituer" les postes d'enseignants "coupés" par la droite depuis
2007 (date d'instauration de la RGPP). Il s'agit là de 66 000 postes. Il
est à noter que ce phénomène intervient alors que les gouvernements de Nicolas
Sarkozy n'ont pas fait baisser les dépenses. Bien au contraire, les "plans de
relance" ont copieusement arrosé les banques et les sociétés du CAC 40 tandis
que les dépenses sociales augmentaient de 50% au cours des dix dernières
années. Résultat : les dépenses publiques sont passées de 54 % à 56,2 % du PIB
pendant le seul dernier quinquennat. Que serait la surenchère socialiste si les
dépenses avaient effectivement baissé ? On n'ose l'imaginer.
Dans un marché libre et bien informé, la concurrence entre les entreprises fait
baisser les prix et seules les ententes peuvent maintenir des
prix hauts. Mais dans le marché politique d'une sociale démocratie, c'est le
contraire : la concurrence entre les partis ne fait pas baisser les dépenses,
elle les fait monter. Il faut donc une entente entre les
partenaires de l'oligopole politique pour tenter de juguler cette hausse
inexorable. La règle d'or est un essai de mise en place d'une telle
entente.
La règle d'or oblige donc les adversaires politiques d'aujourd'hui à ne
pas profiter d'une baisse des dépenses initiées par l'un d'entre eux pour
surenchérir afin de conquérir le pouvoir. La "trajectoire budgétaire" (on peut
penser dans les circonstances actuelles qu'elle veut être descendante) doit
donc obligatoirement dépasser les échéances électorales pour être efficace. On
comprend la manœuvre de Nicolas Sarkozy qui est habile : si les
socialistes avaient signé le pacte, ils auraient donné l'impression de se plier
à une règle initiée par la majorité et restreint leur capacité de faire des
cadeaux à leur clientèle. De l'autre côté, en refusant la règle d'or, ils
exposent la France à un déclassement de la part des agences de notation, ce qui
serait une vraie catastrophe pour les finances publiques, perspective qui sera
bien entendu exploitée électoralement par le camp de la majorité.
On l'aura compris cette règle d'or est un espèce de bricolage destiné à sauver
un système social-démocrate en bout de course. C'est une règle de connivence
forte et antidémocratique entre les principaux partis. Elle a été mise en place
en Allemagne, et tout récemment en Espagne. Elle fonctionne tacitement dans les
pays du nord ou les débordements de la fonction publique sont plus étroitement
surveillés par les citoyens
Toutes les dépenses de toutes les sociales-démocraties mondiales croissent
inexorablement depuis le début du siècle précédent. On est passé d'une
fourchette de dépenses de 8 à 14% du PIB en 1913 pour les pays de l'OCDE à 35 -
56% aujourd'hui. Quelques rares pays, Suède, Canada ont réussi à inverser la
tendance pour quelques années mais la moindre instabilité politique, le moindre
ressentiment d'un parti trop longtemps écarté du pouvoir peut provoquer une
rechute. La France, de son côté, a atteint un niveau de dépenses publiques
record, en décalage de 10% avec l'Allemagne et qui continue à croître, tandis
que le niveau de prélèvements est devenu insupportable pour les classes
moyennes.
Ce sont bien les "contradictions internes" du système social-démocrate qui sont
la cause de cette dérive.
Dans cette organisation, les politiques ont une emprise extravagante sur
l'économie, quelques hommes peuvent très simplement décider de prélever des
sommes colossales par la voie de l'impôt coercitif pour les affecter à quoi bon
leur semble. L’État social-démocrate n'est pas le jardinier qui prépare le
terrain pour que l'économie puisse croitre dans les meilleures conditions, il
est aussi l'architecte industriel et le redistributeur présumé des richesses
produites - avec le succès que l'on connait - et il s'est érigé en objet
central de toutes les revendications. C'est ce système totalement
déresponsabilisant où les hommes politiques ne risquent rien, où les erreurs ne
sont pas sanctionnées, où l'on peut faire carrière sans avoir jamais mis un
pied dans l'économie réelle, où l'exercice du pouvoir consiste à satisfaire les
revendications des plus violents ou des plus influents qui est en cause
aujourd'hui. La règle d'or budgétaire n'est rien d'autre qu'une entente
antidémocratique destinée à faire perdurer un système structurellement
malsain.
Règle d'or budgétaire et sociale-démocratie
Le basculement du sénat à gauche vient
définitivement d'enterrer la règle d'or voulue par Nicolas Sarkozy. Ce
dispositif, adopté dans plusieurs pays européens, mérite pourtant un
décryptage.
Il s'agit de rendre constitutionnelles certaines règles censées garantir un
équilibre budgétaire.
Un projet de loi de révision constitutionnelle a déjà été voté le 13 juillet
dernier par l'UMP et le N.C. Ce texte prévoyait l'instauration de "lois-cadres
d'équilibre des finances publiques" destinées à fixer un "rythme du retour à
l'équilibre" budgétaire. La loi ne prévoit donc pas d'imposer l'équilibre et
elle ne contient pas d'indications chiffrées. Ce seraient ces "lois-cadres
d’équilibre des finances publiques" (terme qui fleure bon la
planification gaulliste) qui, une fois inscrites dans la constitution,
permettraient "d'encadrer la trajectoire budgétaire" en incluant le budget de
l'Etat et celui de la Sécurité sociale. Il s'agirait donc de définir des
recettes minimum et des dépenses maximum à respecter dans
l'avenir.
Or c'est bien ce dernier terme, l'avenir, qui fournit la clef du
dispositif. Tous les gouvernements sont libres de limiter ou de diminuer les
dépenses publiques et de fixer un niveau d'imposition qui garantit l'équilibre
budgétaire. Ils peuvent le faire et pourtant, depuis 35 ans, ils
ne le font pas. Pourquoi ? Nous touchons là au mode de fonctionnement des
sociales-démocraties en général et de la notre en particulier.
1 De Satelmarc -
De toutes facons, tous les "magiciens" socialistes ou autres seront limites dans leurs "delires" de depenses, sauf a mettre notre pays en faillite plus rapidement --- ce serait tellement plus honnete de dire la verite a tous les Francais !