Nos dépenses publiques atteignent aujourd'hui 56% du PIB. La première
question à se poser concerne le niveau astronomique de ces dépenses. Sont-elles
utiles ? Ont-elles résorbé le chômage ? Ont-elles fourni de l'emploi aux jeunes
et aux plus de cinquante ans ? Ont-elles contribué à intégrer les populations
issues de l'immigration ? Ont-elles permis de voir naître un tissus de PME
dynamiques ? Assurent-elles le paiement de nos retraites et le remboursement de
nos soins ? Toutes les réponses sont malheureusement négatives.
Or dans le contexte d'une économie mondialisée il est extrêmement important que
notre pays reste attractif pour les talents d'exception. Ce sont ceux qui
veulent entreprendre, prendre des risques, créer des emplois, financer des
entreprises, qui au final feront redémarrer l'économie. Ils doivent avoir des
perspectives à la mesure des services qu'ils rendent. C'est cela que l'on va
tuer en taxant "les riches", c'est à dire tous les riches.
Car la loi ne peut faire la différence entre les vrais créateurs de richesse,
ceux dont la fortune provient d'une logique de marché et les autres, nombreux
en France, dont le succès est étroitement lié aux faveurs de l'État. C'est de
cette confusion, soigneusement entretenue par la classe politique que nait le
ressentiment des français à l'encontre des très hauts revenus. Ce sentiment
nous parait plus révélateur du rejet de ce qu'il faut bien appeler notre
"oligarchie" nationale plutôt que d'une volonté d'interdire ou de décourager la
richesse. Les français refusent les fortunes acquises sans risque, en
connivence avec le pouvoir, celles qui s'établissent à l'abri de la
concurrence. Ils rejettent les empires industriels et financiers inamovibles
les rentes de situation, et l'administration qui les rendent possibles.
Plutôt que de taxer les hauts revenus, Il faut supprimer les niches fiscales
mais aussi rétablir les conditions d'une vraie concurrence qui se chargera,
bien mieux que la fiscalité, de renverser les fortunes pour le bien du plus
grand nombre. Pour cela il existe plusieurs chantiers qu'il faut ouvrir
d'urgence : la lutte contre les monopoles et les oligopoles, la suppression
totale des aides publiques aux entreprises y compris les montants prévus par le
"grand emprunt" dont on peut mesurer aujourd'hui l'inanité, la mise en place
d'actions de groupe (class actions) pour renforcer le pouvoir des
consommateurs.
Le marché libre et transparent récompense les mieux offrants. Taxer ceux qui
réussissent dans ce contexte revient à limiter artificiellement la quantité des
produits et des services (au sens large) qui satisfont le plus les
consommateurs. Les vrais créateurs se battront contre cette mesure parce
qu'elle est absurde et contreproductive.
En revanche il n'est pas très étonnant que plusieurs membres de l'oligarchie
donnent des gages de fidélité à l'État qui a fait leur fortune en se prononçant
(héroïquement) pour leur propre taxation. Ils auraient bien tort de se fâcher
avec le "grand architecte" de la politique industrielle et de l'indépendance
française qui, depuis les années soixante, a massivement financé ou favorisé
certaines grandes entreprises françaises au détriment d'une vraie concurrence :
concessions, subventions, défiscalisation, regroupements, protections,
recherche et développement sur fonds publics, privatisations de monopoles
publics, les grands patrons de nos champions nationaux auraient bien tort de
cracher dans la soupe étatiste. Ce qu'ils donnent au trésor d'une main, le
ministère de l'économie le leur rendra bien dans l'autre.
L'oligarchie soutient la taxation des riches
Le projet de taxation des
très hauts revenus semble faire consensus. Il démontre, une fois de plus,
l'unicité de vue et de réaction d'une classe politique tristement prévisible.
Alors que l'opposition est prise de court, l'UMP et le Centre, initiateurs de
la mesure, voient même certains riches leur apporter leur soutien.
Si nous ne contestons pas l'opportunité d'un débat sur les écarts de revenus et
sur les difficultés que rencontrent une part croissante de nos concitoyens,
nous refusons en revanche fermement la logique socialiste-dirigiste qui prévaut
dans les partis de gouvernement. Dans une société ouverte, il existe bien
d'autres moyens de répartition et de circulation des richesses que la
sempiternelle redistribution coercitive par l'impôt qui a largement prouvé son
inefficacité.
1 De Stan -
Bonjour,
Très bonne réflexion, merci. Je me demande même si on ne pourrait pas aller plus loin.
Vous dites : "Ce qu'ils donnent au trésor d'une main, le ministère de l'économie le leur rendra bien dans l'autre."
Et comment vous contredire ? En "sauvant" l'état de la faillite (d'une manière symbolique bien sur), les riches s'assurent de toucher la rente de leur épargne soigneusement placée dans la dette française.
Vous dites plus loin : "Les français refusent les fortunes acquises sans risque"
Or justement, au point où nous en sommes, n'est-il pas devenu illégitime de gagner de l'argent "sans risque" sur le dos de l'Etat et de la démocratie ?
De sorte que la première chose à faire ne serait-elle pas de renoncer de payer une partie des intérêts de la dette ?
Il ne s'agit pas de nier que l'argent a un cout, mais ce cout est aussi lié à une prise de risque. Soit ce risque est réel et auquel cas, ce risque se concrétise de temps en temps (et les créanciers doivent subir un haircut). Soit ce risque n'existe pas, auquel cas la prime de risque n'est pas légitime (seul le taux actuariel l'est). Et auquel cas le taux de la dette française est surévalué, et il convient de le diminuer...
Que pensez-vous de cette réflexion ?
Au plaisir de vous lire.
2 De alcodu -
Vous avez probablement raison sur le diagnostic mais j'ai du mal à mesurer la proportion que représentent les placements des "riches" dans la dette française. On sait qu'elle est majoritairement détenue à l'étranger et les fonds qui la détiennent sont aussi alimentés par des petites gens. Le marché financier est un outil qui ne sélectionne pas ceux qui l'utilisent.
En ce qui concerne le risque il est en revanche bien réel et même probablement plus élevé que le AAA français (que beaucoup d'analystes s'accordent à trouver injustifié) le laisse croire.
3 De Stan -
Oui 60% de la dette est détenue par des investisseurs étrangers, le reste l'est par des "épargnants" : des riches, mais aussi tous ceux qui ont une assurance vie.
De toute façon, il faut arrêter je pense de croire que seuls les riches vont payer la facture. Nous sommes tous un peu coupable de la situation actuelle. Certains plus que d'autres, c'est clair. Mais on ne va pas s'en sortir sans guerre civile si on fait la chasse aux sorcières.
La question maintenant, c'est est-ce qu'on bricole des plans d'austérité pour -peut être- avoir des comptes équilibrés ? Ou est-ce qu'on prend les mesures radicales qui s'imposent pour casser le cercle vicieux de la dette ?
D'une manière ou d'une autre, il faut bien comprendre que les marchés ne peuvent pas tout avoir : l'absence de risque et les confortables rendements. Il va falloir choisir.
4 De Jean Karl -
Je crains que vous ne soyez trop optimiste dans vos considérations sur le ressentiment des Français.
Il n'y a ici aucune considération pour les self made man. Un homme qui est devenu riche par ses idées, ses prises de risques ou son travail est un connard qui ne pense qu'à écraser les autres pour beaucoup de monde.
5 De alcodu -
J'ai quand même l'impression que les français ont une certaine admiration pour un Steve Jobs mais je me trompe peut-être.
De toutes façons le pouvoir dirigiste est largement responsable de la confusion qui règne dans les esprits de nos concitoyens.
6 De alcodu -
Article paru sur Atlantico
et sur Contrepoints