La justice sociale c'est l'idée que l'Etat doit réparer des injustices qui
naissent spontanément du marché assimilé à une jungle (au mépris de toute
vraisemblance puisqu'il n'y a ni droit, ni contrat, ni responsabilité dans un
écosystème peuplé d'animaux et de plantes). C'est un crédo fondamental des
dirigistes qui affirment que la régulation étatique est supérieure à la
régulation qui naît de l'offre, de la demande et de la concurrence. Mais
pourquoi employer le mot justice ? Pourquoi ne pas utiliser les termes
d'ingénierie sociale ou de redistribution sociale ? Le mot justice
suppose en effet qu'il y a des victimes et des coupables. Dans
cette vision de la société, les coupables sont ceux dont les revenus ou la
valeur des biens sont plus élevés que la moyenne. Autrement dit ceux qui
réussissent à accumuler plus de richesses que les autres sont des délinquants
que la "justice sociale" doit punir.
Cette profession de foi de la gauche, et même de la droite non libérale
– c'est à dire en France 95% de l'électorat – repose donc sur
l'idée que la richesse et la réussite sont une forme de criminalité.
Pourtant en théorie, c'est notre constitution qui le dit, la justice devrait
punir exclusivement ceux qui nuisent à autrui. Toute la question est donc de
décider si la richesse accumulée par certains se fait au détriment des autres
ou pas. On revient à la question de fond : est-ce que la richesse se crée ou
bien est-ce qu'elle "existe" et doit se partager ? Si la richesse se crée
- ce qui semble admis par le plus grand nombre, sauf par les écologistes
radicaux - sa création rémunère t-elle équitablement les acteurs économiques ?
A cette dernière question la gauche, tout comme la droite gaulliste, largement
convertie au socialisme, répondent par la négative.
Cette omniprésence du thème de la justice sociale au sein de la gauche
dirigiste et son refus d'adopter le capitalisme montre bien que la théorie
marxiste de la survaleur imprègne en profondeur la société française. En effet,
si on tient cette théorie pour acquise, les titres de propriété qui résultent
de l'exploitation capitaliste sont un vol. La justice sociale réparerait donc
ce vol en redistribuant les biens volés aux "travailleurs" c'est à dire en
indemnisant des victimes.
Contrairement à beaucoup d'analystes politiques, nous ne voyons pas dans la
position de la gauche française une attitude dépassée ou "ringarde", celle qui
l'aurait amené à rater le virage de la social-démocratie pris par tous les
autres pays européens. Au contraire, elle est logique et a même un certain
panache. La gauche française, à des degrés divers, a tourné le dos à la
position utilitariste qui consiste à passer sur les injustices attribuées au
capitalisme libéral pour mieux bénéficier de la manne qu'il génère. En France,
les électeurs de gauche ont régulièrement sanctionné ceux qui voulaient
s'engager sur la voie de la social-démocratie parce qu'il considèrent le
système capitaliste injuste. La gauche européenne, plus pragmatique,
considérant qu'il est désastreux pour la richesse nationale de désigner comme
coupables ceux qui travaillent bien, créent des entreprises, inventent ou
innovent, a accepté de composer avec le capitalisme sans se prononcer
clairement sur son équité.
Le but politique d'une gauche libérale ne sera donc pas de réconcilier les
français avec le compromis social-démocrate, il sera de démontrer que la
propriété acquise dans une société libérale est juste car conforme à l'intérêt
général et que la théorie marxiste de la survaleur est fausse.
Nous devrons aussi montrer que la société socialiste, loin de rétablir la
justice, ajoute aux inégalités de fait des inégalités en Droit et rétablit de
nouvelles formes de privilèges contraires aux principes de 89.
La gauche libérale établira que ceux qui s'enrichissent par leur travail, leur
talent ou leur chance ne sont pas des criminels puisque les services qu'ils
rendent aux autres sont la mesure de leur rémunération.
La gauche libérale s'intéressera donc au sort des plus démunis sans utiliser la
réussite ou la richesse comme bouc émissaire. Elle supprimera les multiples
obstacles qui les empêchent de valoriser leur travail et leur talent. Elle leur
permettra d'accéder au marché et à l'éducation. Elle défendra leur
propriété.
Parallèlement, elle établira une claire distinction entre les titres de
propriété acquis par consentement mutuel et ceux qui proviennent de
protections, subventions ou concessions accordées par le pouvoir ou la force
publique, c'est à dire par la violence. Ainsi les grandes sociétés du
capitalisme d'Etat (CAC 40) devront renoncer à leurs privilèges et seront
placées en situation de concurrence réelle.
Rénover la gauche ce n'est pas seulement changer les mots qui la désignent,
c'est aussi revoir les concepts sur laquelle elle est bâtie. La justice sociale
fait partie des évidences idéologiques de la vieille gauche dirigiste qu'il
nous faut combattre et dépasser.
La Justice sociale.
Ces deux mots, ont toujours autant de
succès parmi les dirigeants de la gauche. Jean Luc Mélenchon, Ségolène Royale,
Martine Aubry et même Bertrand Delanoë les invoquent, tel un mantra mille fois
répété. Ils sont ainsi cités quatorze fois dans le dernier livre de Bertrand
Delanoë, Leur emploi abondant n'a d'ailleurs pas pu empêcher la
déconvenue du maire de Paris aux élections internes du PS. L'infortuné avait eu
la malchance de se revendiquer du libéralisme (politique) juste avant la crise.
Les quatorze citations de la "justice sociale" n'ont donc pas réussi à
compenser sa malheureuse évocation du libéralisme.
Mais qu'est-ce que cette justice sociale dont se gargarisent tous les
dirigeants de la gauche rose verte et rouge et qui plaît tant à leurs électeurs
?
1 De tetatutelle -
"Elle supprimera les multiples obstacles qui les empêchent de valoriser leur travail et leur talent."
Tout à fait d'accord, mais il nous faut "définir" ces obstacles en question, ce que je fais sur le réseau des libéraux dans le groupe que je viens de créer. Je me permets d'en donner ici le lien : www.les-liberaux.fr.
Cependant, ne pas oublier que certains n'ont malheureusement "aucun talent" et qu'on ne pourra pas les laisser mourir !
Par ailleurs "excellent article" !
Pour la photo : "petit cochon", va !
2 De Gentle_oo -
Ok sur le principe de récompenser et valoriser le talent, mais que faire de ceux qui n'en ont pas ? Comment les aider sans prélever de la richesse chez ceux qui la créé ? Quelle approche de gauche peut on proposer (ce n'est pas une question piège) ?
3 De tetatutelle -
"Ce n'est pas une question piège"
Non, c'est une question logique (et donc "intelligente").
4 De alcodu -
Une petite parenthèse - Je ne pense pas qu'il faille récompenser le talent. Récompenser le talent signifie qu'on peut le mesurer donc implique une échelle de valeur du mérite assez caractéristique d'une pensée "de droite".
Il existe probablement sur ce sujet une frontière perceptible entre un libéralisme "de droite" et "de gauche". Pour certains, le libéralisme est une méritocratie (voir certains articles de référence sur le site d'AL). Pour nous, libéraux de gauche, le marché ne doit pas rémunérer le mérite mais uniquement les services rendus aux autres. On peut donc être talentueux et bosseur pour réussir mais on peut aussi, par le plus pur hasard, proposer le bon service au bon moment ou détenir un savoir ou un bien que d'autres sont prêts à acquérir au prix fort.
Comme conséquence importante de ce qui précède, un libéral "de gauche" considèrera que celui qui n'a pas de talent particulier ou qui n'est pas bosseur ne "démérite" pas.
Ayant clos cette parenthèse j'en viens à votre question principale qui, comme le souligne tetatutelle, est logique et intelligente. C'est presque le programme de GL tout entier qui doit répondre à cette question.
C'est l'équation à résoudre. Je donne quelques pistes.
Le revenu de liberté ou allocation universelle est évidemment une pierre importante du dispositif. C'est un offset social non discriminatoire au contraire des aides actuelles. Il est cumulable avec tous types de salaires. Il va de pair avec la réduction du salaire minimum dont nous connaissons tous les intentions louables mais qui est une véritable trappe à pauvreté (interdiction de travailler pour ceux dont le travail vaut moins qu'un SMIC).
Il va de soi que toutes les personnes handicapées ou incapables de travailler pour des raisons de santé doivent être aidées, c'est le propre de toute société civilisée.
L'égalité des chances est difficile à obtenir mais la collectivité doit offrir à chacun un capital formation dans lequel on pourra puiser pour sa formation initiale mais aussi pour d'éventuels recyclages ou adaptations en cours de carrière. Un système généralisé de chèques éducation peut remplir cet office. Bien sûr les études supérieures doivent être remboursées lors de l'accession au marché du travail. Le système actuel qui fait payer à la collectivité les études des futurs riches doit être aboli.
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur l'établissement d'un réel régime de concurrence qui permette aux consommateurs de se défendre efficacement.
Bref, tout le programme d'une GL...
5 De marc dhere -
C'est toujours un plaisir de vous lire sur mon blog. Evitez tout de même les injures si vous ne pouvez eviter les sottises.
6 De tetatutelle -
Et t'en étais presque à parler "d'alliances" avec le PS.....alors que tu n'as même pas la cote auprès de "Marc d'Héré", se présentant pourtant comme "social-libéral blairiste confirmé" ! Je crains malheureusement que "le temps des alliances" ne soit pas encore venu et que "dans l'immédiat" il n'y ait guère pour nous que "deux voies envisageables" : "rester à Alternative Libérale" (avec les petites "concessions" que ça peut quelquefois impliquer) ou jouer les "Véron de gauche" en tentant de voler de nos propres ailes. Au souvenir collectif de la tragique "expérience Véron", je conseillerais fortement la première !
7 De tetatutelle -
"Au souvenir collectif de la tragique "expérience Véron", je conseillerais fortement la première !"
Point de vue "personnel" en ce temps de "réflexion hâtive et intensive", que bien entendu je ne compte en rien "imposer" à la majorité du courant !
8 De alcodu -
Mais dis moi, tu es en train de devenir une égérie libérale...
Ce pauvre Marc d'Héré a piqué la mouche parce que j'ai qualifié notre président de : "népote ultra-étatiste quasi-psychopathe". Il considère cela comme une "injure".
Pourtant népote et ultra-étatiste ne sont que des qualificatifs politiques (indiscutables s'agissant de notre président) tandis que psychopathe est un terme médical un peu plus plus subjectif que j'ai adouci en le faisant précéder de "quasi".
- Je pense que la psychiatrie politique est une discipline à inventer. Elle pourrait par exemple disserter sur le slogan de la majorité présidentielle lors de la dernière campagne européenne : "quand on veut, on peut" -
Bref, pas de racaille, ni de pauv'con ni même de "sot" dans mon vocabulaire.
Non l'énervement de ce brave d'Héré tient à la position intenable de la gauche moderne obligée de servir de faire valoir au pouvoir d'un homme qui est tout sauf libéral. La gauche moderne a théorisé sur une espèce de libéralisme économique utilitariste. Elle espérait ainsi rompre avec le socialisme, ce qui partait d'une bonne intention. La voilà qui se retrouve sous le giron d'un socialiste de droite ultra-dirigiste qui n'est même pas respectueux du libéralisme politique ! On est loin du blairisme !
Sur le plan politique les socialistes (ceux qui se disent de gauche) sont aujourd'hui plus libéraux que Gauche Moderne, c'est triste à dire...
9 De Bob Shar -
Ma définition personnelle de la gauche libérale :
L'objectif de la gauche socialiste est de réduire les inégalités.
L'objectif de la gauche libérale est double : réduire la pauvreté et favoriser la mobilité sociale.
Réduire la pauvreté car c'est la pauvreté qui est scandaleuse et non la richesse,
Et s'attaquer aux facteurs d'immobilisme social, c'est s'attaquer au cercle vicieux entre pauvreté, chômage, et assistance.
10 De tetatutelle -
Excuse-moi Alain, je suis en fait intervenue sans savoir les choses c'est à dire "par ignorance" ! Quand j'ai lu que Marc d'Héré dit qu'il a toujours plaisir de te lire sur "son blog", j'ai en fait pensé à un simple "lien de renvoi" sur le tien lui permettant de prendre régulièrement connaissance de tes articles ! Je n'ai en rien pensé que tu pouvais t'exprimer "directement en commentaires" de ses propres articles sur "son blog" (bien que tu aies tout à fait le droit, effectivement !).
Je suis entièrement d'accord sur ce que tu dis de Sarkozy et si une chose me chagrine à la Gauche Moderne, c'est bien cette "alliance inculte" qu'elle a faite avec l'UMP ! Mais là était bien "leur objectif dès le départ" ! (c'est même "écrit en toutes lettres dans leurs statuts"......). C'est simple : j'attends de Bockel qu'il m'explique "pourquoi" il a créé un parti indépendant au lieu de prendre tout simplement une adhésion à l'UMP (?.....). La Gauche Moderne est tout simplement "un parti qui ne sert à rien" !
Pourtant, je t'assure qu'ils ont bel et bien eu le culot de se qualifier de "blairistes", donc à partir de là on est bien obligé d'appeler un chat un chat !
Que je devienne "une érégie libérale" est bien possible, surtout quand je viens de prendre connaissance de "l'alliance" qui véritablement se prépare avec "Alliance Centriste" pour les régionales ! Cela m'inquiète un peu......Si elle s'arrête aux régionales, c'est bien. Mais si ça devient du "national", je suis contre. AL est un parti "qui doit conserver son originalité" ! Que pense Alliance Centriste de notre "anti-hygiénisme" ? Probablement ce qu'en pense Roseline Bachelot !....
De la psychiâtrie politique ? AH NON , PAR PITIE ! Rassure-moi vite, dis-moi que tu plaisantes ! Le libéral "libertaire" que tu es ne peut pas faire pareille proposition, la psychiâtrie étant "par excellence la discipline scientifique qui restreint la liberté de l'individu" ! C'est kif kif la prison, sauf que celle-ci est faite pour les gens considérés "saints d'esprit" !
Donc commencer à psychiâtriser les politiques serait carrément "la fin des haricots" : l'instauration de la dictature ! D'autant que (ne soyons pas ingénus !), ce ne serait jamais "les leaders" qui auraient droit aux thérapies : ceux-ci les imposeraient "aux militants de base" !
11 De Monsieur Poireau -
J'ai bien ri de bon matin, ça fait du bien ! Merci pour cette franche mascarade !
:-))