Le projet de loi sur les peines planchers et les mineurs récidivistes
illustre une nouvelle fois la manière de légiférer de l'État UM-P-S.
La droite décomplexée, menée par Nicolas Sarkozy met en application sa
morale. Il s'agit pour le président Sarkozy de tenir les promesses faites au
cours de sa campagne, donc de punir plus sévèrement les "multi-récidivistes"
pour reprendre son pléonasme favori.
Nous sommes toujours dans le mode de
fonctionnement UM-P-S où la morale gouverne la société.
La morale de droite valorise entre autres les notions de punition et de
récompense. La récompense va au méritant. La punition sanctionne le fauteur de
trouble. Le fauteur de trouble récidiviste doit donc être puni plus sévèrement
puisqu'il n'a pas compris la juste leçon que la société lui a donné.
Le candidat Sarkozy a convaincu une majorité de français que sa morale était
juste et saine pour la société : la sévérité va rétablir l'ordre et la paix.
l'effet dissuasif des peines va réduire la délinquance. Très logiquement il met
en application ses promesses. Il offre une "récompense" à ceux qui ont voté
pour lui. Cette récompense est une nouvelle loi.
La transposition de cette promesse de M. Sarkozy en droit positif donne donc la
"Loi Dati". Une loi qui prévoit pour les récidivistes, la mise en place de
peines plancher égales au tiers de la peine maximale encourue. Ces peines ne
s'appliquent qu'aux délits punis de plus de trois ans d'emprisonnement. Le
principe d'individualisation des peines n'est pas abandonné mais il devient une
exception que les juges devront motiver. Il est toutefois clair que cette loi
tend à collectiviser les peines. Un juge surchargé de travail ne sera pas très
incité à justifier sa décision. La solution de facilité pour le juge c'est donc
bien d'appliquer la peine plancher.
Dans le même temps le chef de l'état refuse d'accorder la traditionnelle grâce
présidentielle du 14 juillet au motif qu'elle serait "collective" donc
injustifiée à ses yeux.
La grâce est injustifiée parce qu'elle est collective mais la punition sera
plus efficace si on la rend plus systématique donc collective
Difficile de suivre le raisonnement UMP ? Pas du tout. Le fil directeur c'est
la morale de droite : il faut être plus sévère. Les causes de la délinquance
sont purement individuelles et les punitions collectives sont un bon moyen de
remettre de l'ordre.
De son côté la gauche s'indigne - comme d'habitude. Elle qui invoque
systématiquement la responsabilité de "La Société" pour expliquer le parcours
des délinquants, elle dont la morale commande de trouver une explication
collective à la délinquance se découvre soudain une vocation messianique à
défendre le grand principe de l'individualisation des peines. Pour la gauche
les causes sont collectives, mais la punition doit être individuelle.
Difficile à suivre ? Non, pas si on est pénétré d'une bonne vieille morale de
gauche.
Reste que sur le terrain, ceux qui fréquentent les tribunaux envoient des
signaux d'alarme. Car pour qu'une peine soit dissuasive, encore faut-il que
celui qui se la voit administrer soit en mesure de la comprendre. Or
quand on voit l'état d'hébétude, de prostration ou d'agitation maladive de
certains prévenus récidivistes lors de leur brève comparution au tribunal, on
peut sérieusement douter de l'effet que pourra avoir sur eux une peine plus
sévère. Le drogué en manque qui vole pour la deuxième fois un sac à main à la
terrasse d'un café est-il en état de réaliser qu'il va écoper d'un an de prison
ferme ? Et cette année de prison va t-elle, au final, améliorer la sécurité des
citoyens ?
En réalité cette loi née de la morale de droite n'aura pratiquement aucun effet
bénéfique.
La récidive ne représente que 6,5% des condamnations pénales. Les États qui
appliquent déjà des peines plancher sont nombreux et n'ont pas de meilleurs
résultats que ceux qui privilégient la rééducation et l'insertion. Ils ont en
revanche des systèmes pénitentiaires en bien meilleur état que le notre.
Mais tout cela n'est pas très important pour les étatistes . Le terrain, les
usages, le bon sens leur sont de peu d'utilité pour évaluer les mesures à
prendre. Ce qui les motive vraiment c'est, en utilisant les lois, imposer leur
morale au terrain, aux usages et même ... au bon sens.
1 De Matthieu -
Excellent article, comme d'habitude.
Juste une précision, "multi-récidiviste" n'est pas un pléonasme : il désigne ceux qui ont récidivé plus d'une fois, qui ont commis au moins trois actes de délinquance du même type.
2 De alcodu -
Bon allez, je retire ... pléonasme.
Mais comme cette remarque m'a bien inspiré, voir nouveau post "pour les vacances".