"Le mystère du capital" par Hernando de Soto


A lire absolument - intelligent - argumenté - généreux - lumineux et optimiste

Voici l'ouvrage qui répond à une question que tout libéral honnête se pose au fond de lui :
- pourquoi le libéralisme ne "marche" t-il pas dans les pays pauvres ?

Il est vrai que le capitalisme et la "loi du marché" ne semblent pas "prendre" en Amérique du sud, aux Antilles, en Afrique et dans de nombreux pays musulmans.
Les conseils de la banque mondiale, de l'OMC et l'encadrement attentionné des pays riches ont fait baisser les barrières douanières, ont stabilisé l'inflation mais il semble bien que dans ces pays la mondialisation ne profite toujours qu'à un petit cerle d'initiés.
Pourquoi ?

Lorsque les libéraux fustigent le régime communiste Cubain : absence de libertés, pauvreté, marché noir, violence politique, on ne peut qu'approuver. Mais cela ne doit pas nous empêcher de constater qu'Haïti, situé dans la même région et qui vit dans ce que l'on pourrait à première vue appeler la "Loi de la jungle" (nos adversaires ne se privent pas de nous le rappeler) a un PIB inférieur de moitié à celui de Cuba. De surcroît Cuba, bien que soumis à embargo de la part des USA, nourrit éduque, soigne et protège sa population nettement mieux qu'Haïti. Qu'est ce qui empêche Haïti de se développer ?

Alors que le capitalisme des pays riches a conduit à une formidable création de richesses qui a profité à toutes les couches de la population, certains pays semblent hermétiques à cette organisation de la production et à cette répartition du travail. Pourquoi ?

Une première réponse à cette question est avancée par les libéraux qui dénoncent les aides d’État corruptrices qui serviraient à maintenir un statut quo au profit des gouvernants et des fonctionnaires. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais cette explication ne m'a jamais pleinement satisfait. On constate effectivement que les aides au développement ne servent quasiment à rien, mais cela n'explique pas pourquoi certains pays pauvres n'arrivent pas à décoller malgré les aides.

Eh bien c'est d'une façon lumineuse qu'Hernando de Soto, économiste péruvien, répond à ces questions dans ce livre qui n'est pas sorti récemment - première parution 2000 et derniers exemples chiffrés 2002. - mais que je viens de lire, et que je vous recommande chaudement.

Il montre comment la formation de capital est rendue possible dans les pays riches par un ensemble de règles et de comportements extrêmement complexes mais qui nous paraissent tellement naturels que nous ne les voyons plus. Il montre à l'inverse que la formation du capital qui nait de la propriété légale et de la confiance réciproque, se heurte dans les pays pauvres à des obstacles quasiment insurmontables. D'où la naissance et l'existence dans ces pays d'un secteur extra-légal, économiquement très important mais qui ne peut servir à la formation de capital puisqu'il ne peut donner lieu à des échanges reconnus par tous.

Hernando de Soto nous donne une belle leçon de droit naturel - sans jamais énoncer ces mots. Le droit hérité de la pratique extra-légale existe bien dans tous les pays pauvres qu'il a étudié mais ce droit n'a pas été intégré par leurs États. Les richesses accumulées par les individus (bien supérieures aux aides de la communauté internationale) ne peuvent donc pas produire de capital puisque leurs droits et leurs avoirs ne sont pas reconnus.

Un ouvrage, je le répète lumineux, qui tord le cou à toutes les théories racistes du sous développement, qui montre que le développement des pays pauvres est possible, qui montre que la créativité et le dynamisme de leurs populations atteint des niveaux insoupçonnés, et ... qui démontre clairement que l'anarcho capitalisme ça ne peut pas marcher !

En effet l'intégration de tous les régimes de droits extra-légaux au sein d'un État de Droit est une condition nécessaire pour la formation du capital et pour le développement.

Un des exemples qui est plus particulièrement étudié est la formation de la propriété aux États Unis On y apprend comment les "Squatters", propriétaires extra-légaux de l'Amérique sous développée d'il y a à peine deux cents ans, avaient inventé des règles de droits, échangeaient leurs titres et rendaient la justice comme cela se passe aujourd'hui dans certains pays pauvres ou dans certains bidonvilles. L'histoire montre comment les gouvernants des États Unis ont su intégrer ces régimes de droit extra-légaux au régime général ce qui a permis le formidable essor économique de ce pays.

Une occasion de regretter que l'histoire des États Unis soit totalement absente de nos livres d'histoire. Il est vrai que l'étude d'un pays qui est passé du sous développement au statut de première puissance mondiale en l'espace de deux cents ans ne peut être d'aucune utilité pour essayer de venir en aide aux pays pauvres. Seul le discours alter-mondialiste peut apporter une réponse...

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